In and out

Un film de Thierry Augé

La Huit Production/Gilles Le Mao,

en coproduction avec le festival Sons d’Hiver et Cinaps TV. Distribution www.lahuit.com

23 janvier 2014

Le Festival Sons d’Hiver réunit Martial Solal et Bernard Lubat, deux immenses musiciens français pour un concert exceptionnel. Deux pianos en solo puis en duo. Nous filmons cette rencontre au sommet, dont Martial Solal et Bernard Lubat rêvent depuis longtemps. Ces deux-là partagent un goût sans mesure pour l’improvisation.

Quelques mois plus tard

Martial Solal et Bernard Lubat nous reçoivent chez eux.

Assis à leur piano, un écran posé à la place de la partition, ils visionnent le film du concert du 23 janvier 2014. Ils arrêtent l’image, quand ils le souhaitent, sur des moments significatifs, réussis ou ratés, les commentent, tout en illustrant musicalement leurs propos.

C’est un exercice inhabituel dans lequel ils ne sont pas à l’aise: porter un regard critique sur leur imaginaire musical et le confronter à celui d’un autre musicien ne se fait jamais sous un regard extérieur.

Dans un deuxième temps, ils nous donnent, à leur façon, une “leçon” d’improvisation illustrée :

Martial Solal s’appuie sur des standards de jazz ou part d’une de ses compositions et esquisse une improvisation allant du plus simple au développement le plus complexe…

Bernard Lubat engage un monologue débridé sur la musique improvisée. L’exubérance de son langage est déjà de la musique.

Tous les deux nous racontent que :

…”l’improvisation, c’est comme la liberté, ça ne s’improvise pas, ça s’apprend. Improviser avec l’autre, parfois l’un contre l’autre, gorgés d’une joie, d’une innocence incroyable, c’est l’expression d’un culot et d’une peur mélangés.

IN&OUT – Solal/Lubat (teaser) on Vimeo / IN & OUT (Martial Solal – Bernard Lubat) – extrait concert

La salle enthousiaste se lève pour applaudir Bernard Lubat et Martial Solal, qui quittent la scène après le dernier de leur duo, un boogie woogie endiablé des plus ludique. Deux heures magiques viennent de s’écouler.

D’abord Martial Solal en solo. Décidé, ce soir là, à surprendre tout le monde en n’improvisant pas sur des standards,

Martial Solal nous rappelle qu’il est aussi un grand compositeur. Après un brève présentation au micro, il sort de sa poche un minuscule morceau de

papier qu’il pose à l’intérieur du piano : son programme, soigneusement équilibré, composé de ses thèmes personnels. La consultant régulièrement, il suivra sa petite fiche à la lettre.

Et Bernard Lubat

En veste de cuir noire, il s’installe au piano dont il assaille le clavier avec boulimie et plonge dans une longue improvisation de vingt minutes.

Il houspille l’instrument, le bouscule, le pousse dans ses retranchements, mélange ses mots aux notes, le laisse respirer… pour repartir de plus belle…

Puis les deux musiciens ensemble

Deux pianos face à face. Deux musiciens face à face. Deux corps face à face.

Fixant Lubat du regard, un petit sourire au coin des lèvres, Solal prend le pouvoir en jouant immédiatement un simple “do” avec son index droit. Avait-il préparé cette proposition ?

Lubat prend son temps pour répondre, ses mains battant le vide, comme s’il cherchait sa musique dans l’espace, puis il attaque l’instrument.

Solal sourit de nouveau et, regardant toujours Lubat, il insiste malicieusement en rejouant un “do”. Les spectateurs rient.

Au fil de ce duo, les propositions de développements débridés et très rythmiques de Lubat semblent intriguer et amuser Solal.

Lubat, lui, est surpris par les superbes propositions harmoniques que Solal vient glisser dans ses folles envolées rythmiques.

Solal interroge souvent son partenaire du regard, cherchant l’homme derrière sa musique. Mais il ne le trouve pas souvent car Lubat a les yeux rivés sur son clavier.

Les deux musiciens sont capables de joutes farouches, et de longues caresses musicales. Si Solal semble un maître d’œuvre devant le Steinway, Lubat conduit son piano comme une locomotive à vapeur.

Parfois Solal essaie d’attirer Lubat sur ses rails. Mais quand le train fou de Lubat s’emballe, il s’embarque avec plaisir avec lui, face à lui ou à contre temps… et chacun prend les commandes à son tour.

Et les deux complices arrivent enfin dans une petite gare de campagne, une bière les attend au bistrot de la place.